Le procès dit des violeurs de Mazan est terminé. 51 personnes ayant violé une femme droguée et sédatée par son propre époux. Une femme inconsciente. Les faits se sont étalés sur 10 ans. Les violeurs sont de toutes les classes sociales et sont présentés comme de bons père de famille, de bons employés, de bons chefs ou de bons amis. « Un procès hors normes » ont dit les médias.
Il n’y a eu aucun acquittement. Cependant, les peines prononcées sont un peu plus clémentes que celles requises par le parquet. Elles vont de 3 ans à 20 ans avec des obligation de soins.
Ce procès soulève la question des relations hommes/femmes en 2024, des rapports de domination existants, de l’inceste et de l’incestuel évoqués bien souvent. Il évoque la répétition, traite de la soumission chimique et bien évidemment indirectement du patriarcat.
Les hommes constituent la majorité de la population des violeurs
Un constat : alors que j’écris, toutes les 3 minutes, une femme sera agressée sexuellement et/ou violée. Toutes les 6 minutes, un enfant sera violé et/ou agressé par un adulte. Dans plus de 90 % des cas, pour les deux situations, il s’agira d’un homme. Tous les 3 jours une femme meurt sous les coups d’un homme la plupart du temps. Tous les 5 jours, un enfant meurt sous les coups d’un homme la plupart du temps.
Ces chiffres sont effroyables. « L’homme est l’un des rares des espèces terrestres a tué sa femelle » faisait remarquer l’anthropologue Françoise Héritier. Je vois dans ces viols répétée, une forme de meurtre à répétition. Indéniablement, si cette situation avait duré plus longtemps, elle en serait morte !
Ce procès m’a bouleversée en tant que femme mais aussi en tant que professionnelle. Je suis formatrice et sensibilise à l’égalité entre les femmes et les hommes. Je suis également coach de vie. Autant de situations où j’ai parfois à connaitre des parcours de vie cabossée et fracassée par les viols, l’inceste mais aussi abîmée par l’incestuel. Sans parler des violences qu’on répugne à dire ordinaires, les maltraitances psychologiques, les coups et blessures sans agressions sexuelles ni viols mais qui sévissent dans la sphère conjugale ou familiale. Elles aussi infligées en majorité par des hommes.
Du côté de mes clients masculins, (ils sont plus nombreux que les femmes), les situations de violences subies dans l’enfance, l’adolescence mais parfois aussi à l’armée, lors du service militaire, et jamais révélées, surtout pas à la compagne, l’épouse et encore moins un psy sont bien plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Elles n’ont jamais été signées et conduisent parfois leurs auteurs à les répéter. la plupart du temps, elles ont été elles aussi commises par des hommes. C’est un cercle vicieux !
Une société fondée sur la hiérarchisation des sexes aux profit des hommes
Beaucoup disent qu’on n’a pas vu l’autre accusée de ce procès, aux côtés de Dominique Pélicot et de ses 50 compères violeurs, l’industrie pornographique. Celle qui chosifie la femme et qui modèle les esprits. En effet, la première des expérimentations de la sexualité, chez les jeunes garçons provient des films pornos qu’ils regardent à peine sortis de la classe de 6e voire du CM2. Cette exposition précoce renforce l’idée immédiate que les femmes sont des objets à consommer, sans que leur consentement ait la moindre importance.
Au-delà de la pornographie, c’est toute notre société qui repose sur une hiérarchisation des sexes. Si l’égalité des sexes est consacrée dans les textes, elle est loin d’être acquise dans les esprits et dans les pratiques culturelles. Les plaidoiries de la défense en sont un cruel rappel : elles ont souvent sous-entendu que la victime était partiellement responsable, complice ou manipulatrice.
En filigrane, la femme est là pour servir, pour soigner, pour être utilisée et pour combler les besoins d’un ou plusieurs hommes. C’est le fondement du patriarcat.
Le patriarcat, fondement d’une hiérarchisation de notre société
Quelle est la définition du patriarcat ? C’est une forme d’organisation sociale dans laquelle l’homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme.
Quand j‘entends ou je lis certains nier que l’on se trouve bien dans ce cadre en France, j’avoue ressentir un brin d’énervement. Tous les chiffres le démontrent et il suffit de lire les rapports du Haut Conseil à l’égalité pour en être définitivement convaincu.
Ce qui est édifiant dans ce procès, c’est que sur les 51 violeurs, seuls 15 ont reconnus qu’ils avaient violé. Les 36 autres ne se considéraient pas comme des violeurs et même se disaient victimes comme l’était Gisèle Pélicot. Le fait que l’accusé principal se dise hébété par la peine prononcée, 20 ans avec une peine incompressible au 2/3, en dit long. Plus de 76 viols ont été perpétrés ! Un calvaire qui n’a laissé aucun répit à son épouse mais il n’a pas l’air de comprendre la portée de la punition.
Le patriarcat, une organisation devenue obsolète et coûteuse en vies humaines
Pourtant, il s’en trouve encore chez les hommes comme chez les femmes pour trouver la peine exagérée. Il y en a pour s’apitoyer sur le sort des ces 50 violeurs ou pour vouloir faire le procès de Gisèle Pélicot au motif qu’elle se serait donnée en spectacle en refusant le huis-clos. Chacun a pu voir les preuves : les centaines de vidéos dûment étiquetées avec des noms révélateurs des crimes commis à la manière de productions pornographiques. Une femme ravalée au rang d’une chose qu’il a utilisé comme bon lui semblait, lui, son époux, qui persiste à clamer son amour.
Tout ceci dénote indéniablement la vision patriarcale qui était la sienne et celle des 50 compères violeurs mais aussi, ne vous en déplaise, d’une partie de l’opinion publique masculine. S’il y avait beaucoup de femmes, militantes ou non présentes tout au long du procès, les hommes se sont faits étonnamment discrets.
Notre société craque de toutes parts, depuis #metoo et les jeunes générations de femmes et de jeunes filles, par tous les moyens médiatiques, veulent, exigent même, que ce patriarcat s’arrête enfin et que survienne une société fondé sur d’autres rapports que ceux de la domination.