La submersion migratoire : retour aux EDL* des années 40

par | 13 Fév 2025

EDL* : éléments de langage

La submersion migratoire ou quand les éléments de langage d’extrême droite nous envahissent

Utiliser la rhétorique raciste n’est jamais anodin. Comme je l’écris depuis quelques années déjà.

Définition de la submersion : l’acte de placer ou de couler quelque chose sous la surface de l’eau ou de tout autre milieu enveloppant, ou l’état qui en résulte. Notre pays serait  donc menacé de couler ou crouler, voire s’effondrer sous les vagues ou les hordes migratoires.
C’est la raison pour laquelle, j’ai choisi cette photo, d’une cité urbaine submergée et sale, tant la rhétorique employée m’a ramenée à des propos que je croyais à jamais enfouis.

Nous vivons une réelle inversion de valeurs et sommes sous le coup de multiples injonctions paradoxales parmi lesquelles il nous faut renier le vivre ensemble, les valeurs de la République, l’histoire de France et fantasmer une France mythique qui n’a jamais existé.

Une France fantasmée, franco-française et blanche

Ainsi, bien que notre pays ait tissé des liens sur les 5 continents, on nous demande de penser franco-français. Bien qu’il ait pu coloniser une bonne partie du continent africain à partir de 1830 et de manière systématique dès la conférence de Berlin de 1885, prendre le contrôle de la Polynésie française en 1881, soumettre les kanaks en 1853, l’ex Indochine (qui regroupait l’actuel Cambodge, le Laos et le Vietnam ainsi qu’une toute petite partie de la Chine jusqu’en 1943) en 1858, nous continuons de projeter l’image d’une France blanche et homogène, écartant la réalité de ses origines multiculturelles. Les ressortissants de ces anciennes colonies, qui foulent le sol français hexagonal ou sollicitent l’asile pour les anciennes colonies, sont sommés de s’identifier comme « Gaulois », malgré l’héritage complexe de la Gaule, marqué par de nombreuses influences : normande, saxonne, celte, arabo-andalouse, gothique, et bien d’autres.

Aujourd’hui, des territoires comme Mayotte, la Polynésie française, les Antilles françaises, la Guyane, la Réunion ou la Nouvelle-Calédonie font partie intégrante de la République ainsi que Saint Pierre & Miquelon et les terres australes.
Pourtant, il est flagrant que la notion de « submersion migratoire » ne s’applique jamais aux groupes issus des pays anglo-saxons, canadiens ou plus généralement occidentaux. Circonstances aggravantes, lorsque dans les dites cultures, l’Islam est la religion sinon dominante du moins principale, la submersion est considérée comme plus qu’inquiétante. Qui va examiner soigneusement les papiers des uns et des autres pour constater ou vérifier qu’il s’agit de français ? Va t-il falloir afficher notre religion pour avoir bonne presse ?

La submersion migratoire : des fantasmes qui relèvent de l’obsession identitaire !

Qu’importe les faits qui établissent que nous n’avons dans ce pays que 7.5 % d’étrangers et parmi ces derniers, une bonne proportion d’européens de l’UE ou de l’Europe.
L’Autre, l’étranger, (quand bien même, il ne le serait pas) selon ces élu.e.s politiques lorsqu’il n’a pas la bonne couleur de peau ou la bonne religion est automatiquement suspect.
Qu’importe si ces propos contreviennent à notre constitution, au préambule de 1946, à la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, à la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. Ils viennent flatter les vils sentiments d’une population qui a perdu le sens des valeurs et qui est sous le coup d’un certain nombre de biais cognitifs rendus possibles par la mainmise d’une idéologie qui prend le pas sur la République. Lorsqu’on entend des politiques s’inquiéter du fait que beaucoup de français aient des parents ou des grands parents étrangers par exemple, comment ne pas faire de liens avec ces phrases terribles  datant du  sinistre gouvernement de Vichy:

 » […] l’État français jette par-dessus bord tout l’héritage du XIXe siècle, tous les acquis du libéralisme et des droits de l’homme car le premier statut des Juifs, conçu par Alibert, isole une catégorie d’êtres humains en se fondant sur la race :

« Est regardé comme juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de même race si son conjoint lui-même est juif »  Le but principal du statut est d’interdire aux Juifs certaines professions, en particulier dans la fonction publique.

Française avec un devoir de mémoire qui m’oblige

Pour ma part, je suis afrodescendante, multi-ethnique et héritière d’un riche patrimoine : européen, africain, asiatique, mexicain et afrocaribéen. J’ai vécu, travaillé et contribué à l’économie de mon pays, la France. Mes enfants, eux aussi métissés, perpétuent cette diversité. Nous sommes tous conscients des sous-entendus de l’expression « submersion migratoire », qui fait écho aux fantasmes du « grand remplacement »,  une France qui ne serait plus « blanche et chrétienne ».

Ce discours suscite en nous indignation et colère car il nous ramène aux périodes sombres de l’Histoire. Il y a plus de 80 ans, des sous-citoyens ont été stigmatisés avant d’être déportés et exterminés. Deux siècles plus tôt, nous étions réduits à l’état de simples biens, la propriété d’autrui.

Cet article 44 du code Noir est édifiant :
[..] Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse, n’être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire. […]

Ces mots, qui résonnent douloureusement, nous renvoient à une mémoire collective que nous ne devons pas oublier. Il n’est jamais anodin de reprendre les antiennes de l’extrême droite. Lorsqu’on le fait, c’est souvent aux risques et périls de la France et de ses Lumières.

Pour en savoir davantage :

Mise à jour du 14 février 2025 : les français ne ressentent pas le sentiment de submersion migratoire : lire

De quoi parle t-on quand on parle de submersion migratoire : lire

Lien vers l’article de Hervé le Bras :   lire

Lien vers l’INSEE :  lire

le code noir : lire 

Les lois antisémites  sous Vichy: lire

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