“Militante ou institutionnelle ? Et si c’était les deux.”

Réflexion sur la porosité des registres en communication, à l’heure des urgences écologiques et sociales.

À l’heure où je m’engage aux côtés d’El Rumbo et que je collabore à nouveau avec le réseau des Rivières Sauvages ,deux projets ancrés dans le vivant et les territoires mais également auprès du Mouvement associatif,  une question m’habite :
Peut-on porter une parole engagée dans des cadres institutionnels ? Peut-on être stratège sans être tiède ? Doit-on choisir entre la posture « militante » et celle de « RP » ? 

Militante ou RP : Ce que cette porosité recouvre

1. Des langages qui se contaminent :

Les organisations empruntent au militant des éléments de style (hashtag, récit incarné, choc visuel) : ce n’est pas sans danger. Comment ne pas succomber aux sirènes de l’exagération ?  Il est si facile d’oublier de rester factuel, de citer ses sources, d’être intransigeant sur les chiffres et de ne rien cacher. La transparence est un enjeu, chez les organisations mais encore davantage aujourd’hui chez les militants.

Inversement, le militant se professionnalise en stratégie, en lobbying, en timing. J’en sais quelque chose puisque j’ai aidé et accompagné bon nombre d’organisations sur ce point. Tout en étant d’abord une militante qui s’engageait pour ces causes. C’est d’ailleurs parce que la vie associative me prenait beaucoup de temps que j’ai décidé de m’y consacrer à part entière et en tant que professionnelle dans les années 2000.

 

2. Des acteurs multiples,  des rôles hybrides

Une attachée de presse peut être aussi conseillère stratégique, rédactrice engagée, cheffe de file dans une mobilisation discrète. C’est là que la déontologie doit servir de fil d’ariane pour ne pas basculer dans un militantisme à outrance qui nuirait non seulement à la cause de l’organisation que l’on défend mais aussi tous nos efforts auprès des journalistes et des publics que l’on cherche à toucher. Etre une conseillère stratégique RP, c’est aussi faire preuve de souplesse et refuser le dogmatisme. Quand bien même, il nous faudrait alors trouver des solutions médianes de dialogue avec l’ennemi. Entendez les parties adverses. Il nous faut comprendre et surtout entendre tous les points de vue. C’est crucial pour peaufiner nos arguments et la rhétorique dans nos plaidoyers mais aussi pour être juste et mesurée.

3. Frontières poreuses

Entre un message d’intérêt public et une action d’influence, la différence, elle, est infime, c’est le plaidoyer… Un autre mot que lobbying que d’aucuns pourraient juger plus respectable mais qui recouvre une même réalité : faire peser la balance du législateur ou de la législatrice du côté qui nous semble le meilleur : le nôtre ! Bien entendu, l’intérêt général est notre garde-fou ultime !

Militante ou RP : Des enjeux éthiques

1. Y a t-il un risque de dépolitisation des luttes ?

On pourrait le penser via la récupération institutionnelle mais l’actualité nous montre que si le militantisme est peut être mal perçu, l’action citoyenne peut être très militante ET efficiente. J’en veux pour preuve l’action qui vient d’être réalisée contre la loi Duplomb.  A l’origine, une simple citoyenne,  Eleonore Pattery, qui peut se targuer d’avoir fait bouger les lignes ! Puissamment relayée via des modalités on ne peut plus institutionnelles, elle pourrait faire changer les choses. Ou pour ne parler que de mes deux dossiers, la mobilisation citoyenne autour des derniers cours d’eau sauvages qui a présidé à la création du réseau des  Rivières sauvages dont  j’ai été successivement la conseillère presse puis la présidente ou celle autour de Severiano de Herida : le projet de El Rumbo de Severiano dont j’ai été la sympathisante avant d’en être la chargée de mécénat. Dans les deux cas, la militante a précédé la professionnelle. Pour développer la visibilité des projets à fort impact, il faut parfois en minimiser la politisation.

2.  Des actions militantes qui ont payé

D’une manière générale, les labellisations, les financements citoyens ou participatifs, les mobilisations pour les droits de la nature par exemple sont des actions militantes qui ont permis d’obtenir des changements profonds tels que de nouvelles définitions pour les écocides, le droit des rivières, l’intégration ou les droits humains.

D’où la nécessité de penser l’alliance entre le militantisme et la profession de RP sans naïveté mais avec des garde-fous et des objectifs clairement assumés. Lorsqu’on a avec soi une déontologie et une éthique solides, il est plus facile d’engager ses parties prenantes et de susciter l’adhésion. C’est d’ailleurs la base-line de l’agence : susciter l’intérêt, l’adhésion et l’engagement des publics. C’est la raison d’être de l’agence depuis sa création.

 Ce que cela implique pour nous, communicant·es

1. Penser les relations avec les publics comme un terrain de médiation

Les relations publics (avec « cs » et non « ques », signifient relations Avec les publics. Cela implique le dialogue, la dialectique mais pas obligatoirement l’opposition et encore moins le manichéisme.  Les relations publics sont toujours du côté, ou devraient l’être du moins,  de la complexité mais aussi de la parole juste. Revaloriser la place de cette dernière, rechercher son incarnation en respectant la diversité d’opinions et la représentativité reste essentielle. Nous sommes des stratèges de l’opinion et nous avons des outils puissants pour porter cette parole : nous avons donc une responsabilité accrue en tant que militants et en tant que représentants des relations avec les publics.

2. Faire droit de cité à la  complexité

Refuser les postures de fermeture pour tendre la main (sans tomber dans les pièges) n’est pas chose aisée surtout dans une société qui aime autant les clivages et les clashs. Aller au-devant les accusations de « wokisme » est aussi un risque que nous acceptons facilement à l’agence Media Presse & Communication (MP & C).

Les droits humains environnementaux (qui parfois se superposent) sont au cœur des dispositifs législatifs et réglementaires qui façonnent notre société française quoi qu’en disent certains.

Pour ce faire, il est plus efficace d’assumer l’hybridité de nos postures : stratège ET citoyenne. RP ET partisane du vivant, parce que la complexité est au cœur de nos métiers mais aussi de la vie.

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